Un retour non annoncé [libre^^]

Cela faisait plus de trois mois qu'elle était partie en "voyage". Officiellement du moins, c'était un voyage pour trouver de nouveaux fonds. Officieusement, elle n'avait pas que cette histoire de fonds à régler et avait du passer par nombre de contacts et manipulations en tout genre afin d'obtenir l'interruption de l'enquête en cours à propos de son établissement. Du moins, l'enquête plutôt complète portait aussi bien l'établissement en lui-même que sur elle et le personnel employé... Au minimum. Qui leur avait parlé des expériences faites sur les enfants? Peu importait pour le moment. Mais mieux valait pour cette personne que la directrice n'apprenne pas son identité. Elisabeth n’avait pas l’habitude de laisser passer ce genre de choses. Enfin, peu importait pour le moment.
Avec tout cela, certains membres du personnel étaient partis et les élèves avaient eu plus de repos qu’il leur en fallait. Il était effectivement temps qu’elle revienne.

Elle passa les portes sans encombres et fut surprise, vu l’heure, de ne voir quasiment personne dehors. Certes, il faisait froid mais habituellement, les élèves allaient dehors tant qu’ils le pouvaient. Enfin, là encore, ça ne la dérangeait pas plus que cela. Elle n’avait prévenue personne de son retour et se doutait bien de la manière dont certains prendraient la chose : Assez mal.
Un infime sourire germa sur ses lèvres à l’idée d’en surprendre plus d’un. Voilà qui la remettrait rapidement dans le bain.

Posant un regard circulaire sur le parc un peu plus loin, elle se dirigea vers le hall. Ca lui aurait presque manqué. Dire que ça aurait pu être infesté de militaires… Horreur et damnation ! Mais son intuition lui disait que même sans leur présence, elle devrait faire attention durant quelques temps. Mais faire attention ne signifiait pas ne pas recommencer les exercices physiques des élèves et les …consultations. Le léger sourire qu’elle avait se transforma en un sourire carnassier qu’elle rejeta rapidement, n’étant pas digne d’elle. Passant le hall, elle commença à monter le plus tranquillement du monde vers son bureau. Elle aurait presque eut l’impression de rentrer « chez elle ». C’était un sentiment aussi étrange qu’amusant.
Elle avait entendu dire que Natas n’était plus. Quelque soit la manière dont c’était arrivé, c’était plutôt arrangeant pour elle qui n’avait plus envie ni de jouer ni de s’enticher d’un animal de compagnie aussi intelligent soit-il.

Repensant à toutes les idées qu'on lui avait donné, et à l'argent, elle passa à l'étage suivant.
Entendant des bruits de pas, elle tourna instinctivement la tête vers la personne qui était à quelques mètres d'elle, la scrutant de ses yeux sombres et calculateurs.

Natas était mort. Le seul regret qu'il avait été de ne pas l'avoir tué lui même mais qu'importe. On ne peut pas toujours connaitre la victoire ou la gloire. Cross était un homme de l'ombre, un exécutant qui vouait sa vie au combat et par cette même conception des choses, il ne serait jamais roi et ne dominerait jamais autre chose que lui même. Son caractère faisait de lui un homme qui détestait être accompagné d'une clique ou même de "fans".
Pourtant cette école l'avait changé, et les mois passé ici, en présence de Natas ou même d'Emeric avait radoucit ses moeurs. Que dire de sa rencontre avec Sealiah... Il avait enfin trouvé une être digne de lui, quoi qu'il en dise. S'il détestait Emeric, il ne pouvait nier que celui ci était plus proche de lui que nombre de personnes ici, à la différence que Cross avait cet esprit vieux jeux et ce code qui lui dictait d'être loyal en combat. Il savait qu'il en mourrait, mais pour lui l'honneur était la seule qu'on ne pouvait lui enlever. La seule chose qui lui eut jamais appartenu...

Ainsi il c'était même vu, s'allier aux élèves afin de contrer l'avènement d'Emeric. Qu'importe. On ne choisis pas sa famille, et encore moins ses alliés en temps de crise. On fait avec ce que l'on a. Et lui avait toujours agit ainsi, s'alliant à ceux qui pouvaient lui apporter quelque chose et surtout à ceux qui en était digne. Il se voyait comme un chevalier, très éloigné de son temps certes, mais un chevalier quand même. Si seulement il avait vécu des centaines d'années auparavant, il serait devenu à n'en pas douter un gladiateur ou un soldat célèbre et reconnu... Mais les regrets ne font pas avancer bien au contraire.

Se baladant dans les couloirs, les mains dans les poches, il aperçut de loin une silhouette familière, bien que depuis trop longtemps absente. Sans autre cérémonie il suivit celle ci, avant à pas de loup, mais sans dissimuler non plus sa présence. Il savait qu'il avait beaucoup moins à craindre des élèves depuis quelques temps. Bien que la majorité le détesta encore, il savait qu'ils avaient trouvé un démon pire que lui, ne connaissant ni honneur, ni règles et que Cross était sans doute leur meilleur allié pour l'instant...
Venant de monter à l'étage supérieur, Cross pressa le pas, montant lui même les escaliers avant de s'arrêter lorsqu'elle se retourna...

"Directrice... Bon retour parmi nous !" Son regard était allègrement malsain et pénétrant, cherchant à savoir si elle était toujours la même ou si elle avait changé. Cette arrogance qu'il affichait devant elle n'avait jamais changer. Elle était femme de pouvoir, et Cross pouvait être son chevalier... Chaque homme possède un rêve, celui de Cross n'était autre que de servir une femme suffisamment puissante pour lui procurer ce dont il voulait, à savoir le combat...

La femme considéra l'homme qui arrivait à elle un instant d'un air tout à fait inexpressif avant que ses sourcils ne se haussent légèrement. Un sourire ironique germa sur ses lèvres alors qu'une pointe d'on ne savait quoi, pointait dans son regard.

"Alors c'est ainsi que se conduisent ceux qui dérogent à leurs obligations? En temps normal devant leur boss, il est de coutume de garder la queue entre les jambes et d'avoir un comportement moins... Stupide."

Mauvais jeu de mots mais elle n'avait pu s'en empêcher. En tout cas, son ton s'était fait mi-amusé, mi-cinglant, faisant savoir à Cross par cette simple phrase que malgré son absence, elle en savait beaucoup sur les agissements potentiels, ou même les rumeurs, sur chacun des ses... subordonnés. Si elle avait caractérisé son comportement de stupide, c'était surtout par désir de provocation mais également parce que, si il avait vraiment cru qu'elle n'y verrait rien ou qu'elle n'avait été au courant de rien, il se trompait lourdement. De même si il pensait pouvoir échapper au châtiment qu'il méritait, il se trompait et c'était peu dire. Si la dernière fois il n'avait eu droit qu'à une torture "physique", ça n'allait pas être la même chose cette fois-ci. Mais décidément... Devoir sévir contre lui devenait lassant à force.

Elle aurait bien aimé "soigner" Corey, mais Alhael s'en était gentiment occupée, peu avant son départ. D'ailleurs, la jeune surveillante était de retour elle aussi.
Sans avoir cessé de scruter Cross, elle fit par soupirer d'un air las et finit de monter les marches en songeant qu'il paraissait être le même qu'avant son départ. Sans doute encore à cause de l'éternel petit jeu qu'il y avait entre eux.
Levant la tête vers le gardien, elle reprit une nouvelle, s'accordant cette fois-ci un léger sourire pour le moins énigmatique.

"Ceci dit, merci. Je dois avouer être ravie malgré tout d'être de retour."

Son sourire s'élargit légèrement.

"D'autant plus que je tombe sur vous d'entrée de jeu. C'est plutôt amusant."

Le toisant un instant du regard, celui-ci se fit aussi tranchant qu'une lame et aussi dur et froid que l'acier. Son sourire disparu également aussi vite qu'il était arrivé. Inclinant légèrement la tête sur le côté, une mèche trop courte pour être prise dans son chignon, se détacha pour se balancer devant ses yeux.

"Vous trouverez une valise en bas. Vous me l'amènerez."

Qu'y avait il à ajouter à cela? Pas grand chose. Il n'y avait pas plus clair que cela, aussi bien par le ton sans appel que par le contenu en lui-même.

Calmement Cross la regarda et l'écouta parler. Elle était contente, et bien tant mieux, vu que l'internat avait besoin de retrouver un certains équilibre, mais de là à lui servir sur un plateau, il ne fallait pas rêver. Cross n'était pas un chien au point de porter sa valise. Quoi qu'elle en pense ou en dise, lui n'était qu'un employé et pouvait s'en aller si cela lui chantait. Il n'était pas un élève. Il était remplaçable comme tout le monde, un pion comme tout le monde, mais il n'en restait pas moins un électron libre qui pouvait a tout moment heurté un autre électron et dans ce cas, cela pouvait créer une certaine somme d'énergie, ne lui en déplaise.
Répondant à son regard par un regard tout à fait neutre et complètement détaché, comme si ces ordres ne l'atteignaient pas.

"Auriez vous oublié que je ne suis pas un chien... Vous n'avez qu'a monter vos valises vous même, car pendant votre absence, l'internat est parti en vrille. Et ce n'est pas vous qui avez dut, tant bien que mal, gérer tout cela et maintenir un semblant d'équilibre."

Montant encore quelques marche, il se retrouva à sa hauteur.

"Je ne peux vous reprocher d'être trop laxiste dans vos choix du personnel, mais sur la tenue de cet internat si. Certaines personnes ne sont vraiment pas digne de vivre ici. Et si vous ne faites pas votre boulot correctement, comptez sur moi pour le faire à votre place."

Cross ne plaisantait guère et son regard, tout comme son ton c'était dur de reproche, bien qu'il savait pertinemment qu'a ce jeu il perdrait forcément.

"Les bases besognes sont mon lots quotidien, et vous pouvez bien essayer de me torturer cela ne changera rien. Vous avez laisser trop de place à Natas et maintenant à Emeric. Si vous ne changeait pas tout cela, je le ferai, et cela ne ressemblera en rien au meurtre de la petit Mary, croyez moi !"

Chien enragé... Cross n'avait pas l'habitude d'aboyer comme cela, mais il détestait voir des personnes aussi compétentes se fourvoyer et atteindre un état aussi déplorable que celui ci. Mao Litune était plus qu'un internat, c'était un monde à part entière, un empire, et chaque empire se conduit de main de maitre, sinon celui ci explose et la guerre éclate. Cross n'avait pas peur de mourir, et encore moins de la guerre, mais il détestait l'idée que des élèves tels que Sealiah, se fassent tuer bêtement par un imposteur tel qu'Emeric. Et puis de toute façon Sealiah était à lui et personne ne pouvait le tuer sans crever dans les heures qui suivraient.

Comme Cross l'avait fait juste avant, elle le laissa parler autant qu'il souhaitait. Elle le laissa dire ce qui lui passait par la tête. Elle le laissa s'énerver. Enfin, il fallait dire qu'elle n'avait pas non plus forcément le temps d'en placer une... Mais bon, cela lui convenait tout aussi bien. Entendre le point de vue de Cross était intéressant. Elle aurait bien remplacé ce terme par "amusant", mais ça aurait paru un peu fou. Or, c'était ce qu'elle ne devait pas paraitre: Folle.
Bien qu'elle n'apprécie guère le ton sur lequel c'était dit, elle devait bien admettre qu'il avait raison sur le fond. Pour la forme... Ce n'était pas son fort mais il avait d'autres atouts.
Alors qu'il parlait, il avait fini par la rejoindre. Malgré leur proximité et la tête de plus que faisait Crossinet, Elisabeth ne semblait pas plus effrayée ou même mal à l'aise que cela. Une étincelle brillait dans son regard, faisant briller d'une lueur indéfinissable ses yeux verts qui auraient pu à cet instant être parcouru d'éclairs sans que cela ne choque personne. Pour autant, elle n'était même énervée. Un brin agacée c'était sur et c'était aussi très compréhensible vu sa position actuelle.
Laissant quelques secondes s'écouler après la fin du discours de l'homme, elle reprit finalement la parole d'un ton particulièrement neutre.

"A ce que je sache, si j'avais donné les commandes totales de l'internat à Emeric, je l'aurai nommé Directeur adjoint en mon absence au moins. Or il ne l'était pas et avait un statut équivalent au vôtre si ce n'est moins. Ne vous est il donc pas venu à l'esprit que je n'avais rien fait d'autre en le recrutant au moment où je m'en allais, que de pallier à une éventuelle recrudescence des conflits?"

Elle marqua une courte pause et continua sur le même ton comme si elle ne s'était jamais arrêtée.

"En tant que chef de la sécurité, vous aviez tous les moyens possibles, ou presque, pour faire cesser cette situation puisqu'elle était si désagréable. Or de toute évidence, ce n'est pas ce que vous fait. Si j'ai commis une erreur en m'éloignant, vous en avez commis une également en ne faisait pas pleinement votre devoir. Et vous osez venir me dire que vous êtes capable de faire mon boulot... Laissez moi en douter. En tout cas, vous avez commis une seconde erreur avec certains des propos tenus."

Elle croisa finalement les bras et s'adossa à la rambarde tout en reprenant d'un ton qui s'était durci et nettement refroidi au fur et à mesure qu'elle parlait et que la "conversation" avançait.

"Quant à cette valise. Bien que le contenant soit mien, le contenu est destiné au personnel de l'école et plus particulièrement aux gardiens, raison pour laquelle vous étiez tout destiné à aller la chercher."

Elle se redressa finalement et esquissa un léger sourire. Son regard, lui, ne changea pas le moins du monde, de même que le ton sur lequel elle s'adressa à son subordonné.

"Natas n'est plus un problème je crois mais je reconnais lui avoir concilier un peu trop de choses. Quant à Emeric..." Elle haussa les épaules avec un air entendu. "Faites ce qu'il faut. Au pire utilisez les élèves. Vous auriez largement pu le faire avant... Notamment avec notre cher Sealiah non? Peut-être même avec quelques autres, bien que ça soit moins certain. Et puis... Si des élèves en venaient à le tuer, cela justifierait l'enfermement tout relatif, que nous leur faisons subir parfois. Ce n'était pas spécifié dans votre contrat mais je vous rappelle que vous êtes autorisé à réfléchir parfois."

Rajustant la veste de son tailleur, elle replaça une énième fois sa mèche de cheveux derrière l'oreille et reprit tout en se détournant du gardien.

"Juste une chose. J'ai beau avoir commis l'erreur de m'éloigner, je ne suis pas revenue pour rien. De même, il convient à l'avenir que vous vous rappeliez bien que je suis votre supérieure. La prochaine fois il se pourrait fort bien que vous n'ayez pas l'occasion d'en dire tant. Tenez vous le pour dit."

Elle recommença à monter l'escalier menant au dernier étage: Son bureau.

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